Affaire de l’avion présidentiel : Atangana Mebara fait la grève de la parole

Publié le par Bobby

 

En réaction à la non délivrance des autorisations de visite aux siens, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République a dit être dans un inconfort psychologique pour répondre au contre-interrogatoire du parquet. La suite du procès prévue vendredi a été renvoyée dans trois semaines. Un blocage qui traduirait les relations difficiles entre l’accusé et le juge d’instruction.

 

Par Christophe BOBIOKONO - cbobio@gmail.com

 

Atangana Mebara

On s’attendait à une audience marathon, qui aurait pu être suivie par une autre lundi prochain, pour faire suffisamment avancer le dossier de l’affaire Atangana Mebara. En tout cas, pour boucler au moins avec les débats autour de l’infraction concernant la tentative de détournement de 29 millions de dollars us en co-action qui pèse sur l’ancien secrétaire général de la présidence de la République et Hubert Marie Otélé Essomba. On n’a eu droit qu’à 17 petites minutes d’échanges, l’essentiel du temps étant d’ailleurs consacré à la recherche d’une date pour la prochaine audience. Alors que tout le décor était planté, vendredi 29 juillet 2011, pour que Jean Marie Atangana Mebara s’installe dans le box des témoins pour subir le feu nourri des questions du ministère public, ce dernier a surpris tout le monde en annonçant qu’il n’était pas dans de bonnes conditions psychologiques pour un échange serein avec les magistrats du parquet.

« Depuis trois semaines, a dit le prisonnier au Tribunal, il n’est pas possible que je reçoive des visites à la prison ». Il a expliqué avoir introduit une demande d’autorisation de visites auprès du juge d’instruction, qui l’aurait à son tour transmise au parquet pour avis. Un avis qui tarderait à remonter chez le juge d’instruction... L’ancien ministre d’Etat a estimé qu’il était difficile qu’il garde sa sérénité devant les représentants d’un parquet qui piétinerait ses droits de prévenu les plus élémentaires… Le président Gilbert Schlick, bien que gêné par la tournure des choses, lui qui souhaite boucler le procès avant la fin de l’année, s’est contenté d’afficher son impuissance devant la situation : « On ne peut pas vous obliger à répondre si vous n’êtes pas dans l’état psychologique pour le faire », a-t-il dit à l’accusé. Avant de renvoyer l’affaire aux 16, 17 et 18 août 2011.

43 visiteurs

Ce qui ressemble à la révolte de l’ancien ministre d’Etat à l’égard de l’appareil judiciaire est, en fait, la traduction de ses rapports relativement tendus avec Pascal Magnaguémabé, le juge d’instruction qui instruit son affaire. Et l’incident fait suite à un durcissement, ces dernières semaines, des conditions de visites à la prison centrale de Kondengui. Jusqu’ici habitués à la tolérance qui avait cours dans le pénitencier, nombre de parents et amis des prisonniers n’avaient plus besoin d’une quelconque autorisation de la justice pour s’y introduire. Le retour au respect de la loi aurait contrarié plusieurs visiteurs de l’ancien Sgprc. Parmi eux, des parents, mais aussi des amis comme Joël Moutlen, l’ancien chancelier de l’Université de Yaoundé qui a gardé de bons rapports avec son ancien collaborateur et patron. Le professeur de mathématique était d’ailleurs présent à l’audience de vendredi dernier.

 

En s’appuyant sur l’article 238 du Code de procédure pénale qui dit « [qu’en] cas de détention provisoire, les conjoints, ascendants, descendants, collatéraux, alliés et amis de l’inculpé ont un droit de visite [et qu’un] permis permanent de visite peut être délivré aux personnes [ainsi] énumérées par le juge d’instruction qui peut, à tout moment, le retirer », l’ancien Secrétaire général de la présidence de la République avait fait introduire auprès de Pascal Magnaguémabé, par le canal de ses avocats, une requête contenant 43 noms, pour solliciter la délivrance des permis de communiqué. Une requête que le juge se serait empressé de transmettre au parquet pour avis. Un pur dilatoire, pense Me Claude Assira, pour qui cette démarche n'est point prévue par le code de procédure pénale. L'avocat de l’accusé dit avoir sollicité l’intervention de Gilbert Schlick, président du collège des magistrats chargé de juger le ministre d’Etat, pour dénouer le dossier. Sans succès. Des discussions auraient eu lieu entre l’avocat et le juge d’instruction pour lever le blocage. Mais Pascal Magnaguémabé, que nous n’avons pas pu rencontrer vendredi dans son cabinet, se serait réfugié derrière l’attente de l’avis du parquet. Il aurait aussi demandé au prévenu de soustraire quelques noms dans la liste de ses visiteurs potentiels…

Mauvaise foi ?

Au parquet du tribunal de grande instance de Yaoundé, une source que nous avons approchée reconnaît la transmission de la requête au procureur de la République, mais s’étonne de la démarche du juge d’instruction. « Il a tous les pouvoirs, au regard de la loi, pour délivrer les autorisations de communiquer concernant les justiciables en détention provisoire sans requérir l’avis du parquet et c’est comme cela que les juges d’instruction procèdent d’ordinaire », a expliqué notre source. L’avis conforme du procureur de la République, évoqué dans le Code de procédure pénale, ajoute un magistrat, « concerne la gestion pratique des visites dans le pénitencier, cet avis s’imposant au régisseur et non au juge d’instruction ». La démarche du juge d’instruction laisse donc penser qu’il y aurait anguille sous roche.

Dans l’entourage de Jean Marie Atangana Mebara, on n’est pas loin de parler de la mauvaise foi du juge d’instruction. Ce dernier profiterait de toute occasion pour "torturer" le prévenu en représailles de ce qu’il considèrerait comme l’indiscipline de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République. Ces derniers temps, apprend-on, l’ancien secrétaire général ne se montre pas toujours disponible lorsqu’il est sollicité pour la poursuite de l’enquête judiciaire sur les volets des inculpations encore pendantes. « La veille des audiences publiques, c’est un peu délicat de se rendre chez le juge d'instruction compte tenu de la fatigue et de la nécessité d'être en forme le jour de l'audience, explique son avocat. Mais les autres jours, il n’y a aucun problème ».

Sous le coup de cinq chefs d’inculpation liés au processus d’acquisition de l’avion présidentiel ou celui de la gestion de la défunte Camair, M. Jean Marie Atangana Mebara passe aujourd’hui en jugement public pour tentative de détournement de fonds publics, détournement de dénier public en coaction et complicité de détournement des deniers publics. Placé en détention préventive depuis août 2008, il est encore sous le coup d’une enquête judiciaire portant sur deux inculpations. La semaine dernière, l'ancien ministre de la Santé publique, Urbain Olanguena Awono, s'était déjà plaint de ce que le parquet refuse de délivrer des autorisations de visite aux membres de sa famille. Le 13 juillet 2011, l'un de ses prédecesseurs, Titus Edzoa, s'était vu retirer son téléphone portable pour des "raisons de sécurité". Sont-ce des situations isolées ou alors le fruit des instructions données par le pouvoir de Yaoundé? Une chose est sûre: ce traitement particulier infligé aux anciens membres du gouvernement en détention ne va pas manquer de ternir encore l'image du Cameroun sur la scène internationale. 

C.B.

 

 

 

 

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L
<br /> You are doing an impressive job. Why is Gervais Mendo Ze not being tried. Is it because his son went to jail in Franc Biya's place?<br /> <br /> <br />
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