Cartes électorales : Le président du Conseil électoral prône la violation de la loi

Publié le par Bobby

Devant l’incapacité de Elecam à assurer efficacement la distribution des cartes électorales, Samuel Fonkam Azu’u a laissé penser que ces dernières pouvaient être remplacées le jour du vote par la Carte nationale d’identité. Une sortie médiatique qui consacre une ènième bourde de l’organisme chargé de l’organisation de l’élection du 9 octobre prochain.

 

Christophe Bobiokono - cbobio@gmail.com

 

C’est un nouveau pavé que Samuel Fonkam Azu’u a jeté dans la marre. Intervenant vendredi dernier au sujet notamment des conditions de distribution des cartes électorales depuis quelques jours par les antennes locales de Elections Cameroon (Elecam), l’organisme chargé de l’organisation des élections, le président de son Conseil électoral a indiqué que la loi électorale permettait à tout électeur inscrit sur une liste électorale mais de disposant pas de sa carte électorale de voter s’il dispose de sa carte nationale d’identité. Faite sur les antennes de la Crtv, la radio gouvernementale, cette sortie médiatique avait pour but d’apaiser les inquiétudes de nombreux électeurs. Elle risque de les raviver. De fait: le démarrage de l’opération de distribution des cartes électorales, lundi dernier, a en effet découragé plusieurs électeurs, du fait des bousculades et de la difficulté à obtenir le document recherché. Ce qui laisse planer depuis le risque d’une abstention record lors de la Présidentielle du 9 octobre.

Si la déclaration du président du Conseil électoral vise un objectif noble, à savoir la participation du plus grand nombre d’électeurs au scrutin pour garantir une plus grande légitimité au candidat qui sera déclaré élu, elle ne manque pas de porter gravement atteinte à la loi électorale. En son article 81, la loi fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République est en effet assez claire quand elle décrit le déroulement des opérations de vote. « A son entrée dans le bureau de vote, dit le texte, l’électeur, après avoir été identifié par la commission de vote suivant les règles et usages établis, présente sa carte électorale. Après avoir pris son enveloppe, il doit entrer dans l’isoloir, mettre son bulletin dans l’enveloppe et, après avoir fait constater par la commission qu’il n’est porteur que d’une seule enveloppe, introduire celle-ci dans l’urne ».

Exigences légales cumulatives

L’article 83 de la même loi précise que « Le vote de chaque électeur est constaté (1) par apposition d’un pouce imbibé d’encre indélébile sur la carte d’électeur et par l’apposition d’un signe fait par un membre de la commission sur la liste électorale, dans la colonne prévue à cet effet ; (2) par l’inscription de la date du scrutin sur la carte électorale, à l’emplacement réservé à cet effet ». Il apparaît que la loi met donc l’accent sur la nécessité d’identifier l’électeur avant le vote, « suivant les règles et usages établis », c’est-à-dire soit par la présentation de sa carte nationale d’identité (qui, du reste, n’est explicitement citée nulle part dans le chapitre 2 du titre IX de la loi consacré au « déroulement du scrutin »), soit par le témoignage de deux autres électeurs (art. 50 nouveau al.3), mais surtout qu’elle souligne le caractère incontournable voire obligatoire de la carte électorale, qui sert à la fois à constater l’élection et à lutter contre le phénomène des votes multiples. A travers justement l’usage de l’encre indélébile…

Qu’est-ce qui peut donc expliquer que le patron de l’organe chargé de veiller à la sincérité du scrutin par un respect scrupuleux des dispositions légales décide lui-même de banaliser, aujourd’hui, le rôle de la carte d’électeur pour donner une place disproportionnée à un document certes important mais dont l’usage est optionnel ? La question est d’autant incontournable que l’opération de vote, au regard de la loi, exige que l’électeur soit clairement identifié et qu’il dispose de sa carte électorale. Deux exigences légales obligatoirement cumulatives. Il ne fait aucun doute qu’au risque de violer la loi, Elecam cherche, depuis quelques jours, à limiter la casse devant ses manquements qui sont criards et la pression qui ne cesse de monter à mesure qu’approche la date du 9 octobre 2011. L’institution, qui est à sa toute première expérience d’organisation d’une élection depuis sa création, a en effet multiplié des bourdes depuis la convocation du corps électoral, le 30 août 2011.

Désordre en perspective…

Dès le lendemain de la publication du décret présidentiel annonçant la date du 9 octobre 2011 pour l’élection du président de la République, les inscriptions s’étaient poursuivies le 31 août dans certaines localités, notamment à Yaoundé, alors que la loi dit clairement (art. 37 nouveau, al.2) que « la révision annuelle ou, le cas échéant, la refonte des listes électorales est suspendue à compter de la date de convocation du corps électoral ». Les listes électorales qui auraient dû faire l’objet d’un affichage public conformément à la loi sont toujours attendues dans bien des localités du pays, à l’exemple de l’antenne communale de Elecam dans Yaoundé III, qui ne dispose ni de l’espace, ni des babillards pour la circonstance. Ces listes, lorsqu'elles sont affichées, laissent voir de nombreuses inscriptions doubles, voir triples de certains électeurs. Mieux, les cartes électorales dont la distribution devrait démarrer le 13 septembre 2011, dans les 25 jours qui précèdent le scrutin comme le précise la loi, n’ont été rendues disponibles au mieux que deux semaines plus tard, c’est-à-dire le 26 septembre. Et leur distribution continue d’égarer bien des électeurs…

Dans sa déclaration à la Crtv, le président du Conseil électoral d’Elecam a rappelé ce que prévoit la loi à propos des cartes électorales non encore distribuées à la date du scrutin : « Les cartes qu’il n’a pas été possible de remettre à leurs titulaires sont déposées aux bureaux de vote où ceux-ci sont inscrits. Elles restent à la disposition des intéressés jusqu’à la clôture du scrutin ». Problème : tel que souligné dans un communiqué du Social Democratic Front de John Fru Ndi, de nombreux Camerounais détenteurs des récépissés d’inscription n’ont pas eu, jusqu’ici, la preuve de leur inscription sur les listes électorales (qui auraient pu être consultées par voie d’Internet si Elecam était soucieux de la participation optimale des électeurs), ces dernières n’ayant pas été rendues publiques. Et faute pour ces électeurs potentiels de pouvoir accéder aux listes électorales, ils se trouvent désarmés pour introduire les réclamations prévues par la loi ou pour identifier leurs bureaux de vote, pour ceux qui ont été effectivement inscrits. Le risque de l’abstention continue de prendre de l’importance si une bonne publicité n’est pas faite autour des listes électorales.

C.B.

 

N.B.: ce texte est une co-propriété de christophe.bobiokono.over-blog.com et Canal-info.ca. Son exploitation intégrale n'est donc pas libre.

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