Présidentielle 2011 : Paul Biya impose sa loi sur l’affichage

Publié le par Bobby

Le président de la République sortant a décidé de s’afficher en gros au-delà des formats et emplacements prévus par la loi pendant que ses concurrents se contentent de l’affichage sauvage. Les chefs de terres qui doivent faire respecter la loi et l’équité répondent aux abonnés absents.

 

Christophe Bobiokonocbobio@gmail.com

 

Le chien aboie, la caravane passe. Imperturbable. Alors que l’ensemble de ses concurrents crient à la violation de la loi fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République par le président sortant, notamment sur les aspects touchant à la propagande électorale par voie d’affichage, Paul Biya et son camp poursuivent leur campagne électorale comme si de rien n’était. Il y a deux semaines, il avait déjà fait sensation en s’octroyant une bonne partie du réseau commercial des panneaux d’affichage dans les grandes villes avec cette grande photo souriante présentée sur un fond bleue et accompagnée d’un court message en français et en anglais : « Paul Biya : le choix du peuple, The people’s choice ». Il était le seul à afficher ainsi, sur des gigantesques affiches (panneaux de 6x3m, 4x3m, 1,2x0,6m) acculant quasiment ses concurrents à l’inexistence.

Il avait fait mieux en accordant le marché relatif à cet affichage urbain à Pauline Biyong, membre du Conseil électoral de Elections Cameroon (Elecam), l’organe chargé de l’organisation  des élections. Malgré la réaction du Social Democratic Front (Sdf) de Ni John Fru Ndi demandant que Mme Biyong soit destituée du Conseil électoral d’Elecam, pour un conflit d’intérêt évident, il n’y a eu qu’un silence pour lui répondre. Anicet Ekanè du Manidem s’est lancé dans une opération symbolique de destruction des affiches de campagne du candidat Biya, avec un succès mitigé. Kah Wallah a dénoncé la violation de la loi. Rien. Personne n’a connu un début de succès dans la dénonciation faite… Même la société civile, à travers notamment l’avocate Alice Nkom, la coordonnatrice nationale de la Commission nationale citoyenne indépendante (Ceci), qui a saisi Elecam d’une lettre de dénonciation le 27 septembre 2011, pour dire que les affiches du candidat Biya étaient illégales...

Mincom hors-la-loi.

En réalité, le candidat du Rdpc n’était pas le seul à violer la loi. Paul Ayah Abime, Garga Haman Adji, Adamou Ndam Ndjoya, Bernard Muna, Jean-Jacques Ekindi et les autres se sont en effet rabattus sur les poteaux électriques, certains édifices publics, les barrières des chantiers… ce que certains ont qualifié d’affichage sauvage. Ils étaient évidemment peu visibles avec leurs affichettes 0,6x0,4m. Et sur ce terrain-là encore, le président Paul Biya était aussi présent. Avec des affiches et des professions de foi d’égale dimension… On en était encore là, lorsqu’en ce début de semaine, le Rdpc est venu densifier sa domination sur ses concurrents. De nouvelles affiches (avec comme message « Avec Paul Biya, le Cameroun des grandes réalisations ») sont en effet venu s’ajouter au décor urbain en début de semaine.

Dans un message diffusé dans les colonnes de Cameroon Tribune du 28 septembre 2011, se prévalant de son étiquette « [d’]autorité de régulation du secteur de la publicité », Issa Tchiroma Bakari, le ministre camerounais de la Communication avait fait diversion en rappelant « à tous les candidats à l’élection présidentielle du 09 octobre 2011 » les termes de la loi de 2006 interdisant l’affichage publicitaire sur les meubles et immeubles appartenant ou abritant  les administrations publiques, les associations à caractère politique et les associations à caractère religieux.  Il mettait en demeure tous les contrevenants à ces dispositions « ayant apposé des affiches de campagne sur les immeubles abritant les administrations publiques ou dans les emprises directes de ceux-ci, de procéder toutes affaires cessantes et à leurs frais ». La menace d’engager des poursuites judiciaires était agitée à l’occasion, dans une manière de renvoyer les candidats dos à dos.

Il se trouve que les dispositions ainsi rappelées sont générales et ne s’appliquent pas de façon spécifique à la campagne électorale. Dans la loi de 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République, tout un chapitre consacré à la campagne électorale qui laisse la latitude aux candidats de « faire établir des circulaires, des professions de foi ou des affiches […] établis sur papier de la couleur retenue pour le candidat [et portant] le sigle qui a été retenu pour l’impression des bulletins de vote ». « Le format maximum des affiches établies en vue de la campagne électorale est fixé par décision du Directeur général des Elections », dit l’article 65 alinéa 4 de cette loi. Ce texte dit que les affiches, avant d’être mises au contact du public, doivent revêtir un visa du ministre de l’Administration territoriale. Et « [qu’]aucun visa n’est accordé après le douzième jour précédant le scrutin ». Pour l’élection en préparation, cette interdiction court donc depuis le 27 septembre…

Préfectorale silencieuse.

Par ailleurs, la loi précise que « tout document (notamment les affiches) distribué en violation des dispositions des articles précédents sera saisi par l’autorité administrative ». C’est à cette autorité administrative que revient aussi la charge de réserver des emplacements « pour l’apposition des affiches et du matériel de campagne de chaque candidat (1) à côté de chacun des bureaux de vote [et] (2) à proximité des bureaux des arrondissements, des districts et communes ». Selon la loi, « une surface égale est attribuée à chaque candidat ». Enfin, la loi interdit « tout affichage public, même par affiche timbrée (l’affichage dans le réseau commercial) relatif à l’élection en dehors de ces emplacements […] aussi bien par les candidats que pour toute autre personne ou groupement ».

Si à la veille du démarrage de la campagne de l’élection présidentielle, Elecam avait fait signer un document de bonne conduite aux divers candidats en course ou à leurs mandataires et avait communiqué le « format maximum des affiches » décidé pour la circonstance, à savoir 60 centimètres sur 40, les états majors des candidats indiquent que les autorités administratives sont restées muettes sur la question relative aux emplacements désignés pour accueillir les affiches de campagne. Mieux, les autorités administratives sont aussi restées totalement indifférentes aux différents cris dénonçant la violation de la loi. Aucun gouverneur, aucun préfet, aucun sous-préfet et aucun chef de district n’a fait entendre sa voix pour faire respecter la loi, eux qui sont très (trop ?) souvent très pointilleux en matière de respect de « l’ordre public ».

Les cas de violation de la loi en matière d'affichage sont pourtant très courants depuis le début de la campagne électorale. D’un côté, certains des concurrents du candidat Biya, qui ont mis un soin à respecter les directives légales (couleur de l’affiche et logo) de même que la décision du Dg de Elecam au sujet du format des affiches, affichent sur les emprises de la voie publique, les immeubles publics ou les poteaux électriques. De l’autre côté, Paul Biya règne autant sur le réseau commercial que sur les bâtiments administratifs en maître absolu au mépris de toutes les règles édictées… Ses obligés peuvent-ils le rappeler à l’ordre ?

C.B.

 

 

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