Fichier électoral : les hoquets très prévisibles de Elecam

Publié le par Bobby

Mis effectivement en place par décret présidentiel du 13 octobre 2010 et bousculé par le calendrier électoral, Elections Cameroon pouvait difficilement conduire un processus électoral satisfaisant. 

 

Christophe Bobiokono - cbobio@gmail.com

 

Le Social Democratic Front (Sdf), principal parti de l’opposition camerounaise au regard de ses résultats électoraux, a haussé le ton dimanche dernier au cours de son passage aux émissions de la Crtv consacrées à la propagande électorale. Lisant un communiqué de presse signé par Ni John Fru Ndi, le chairman et candidat du parti à la Présidentielle du 09 octobre prochain, le porte-parole du Sdf a dénoncé, sur la Crtv-télé, les inscriptions multiples des mêmes électeurs sur les listes affichées par Elecam alors que de nombreux autres électeurs, munis des récépissés d’inscription ne retrouvaient pas leurs noms. Le Sdf a mis en garde Elecam sur cet amateurisme qui planterait, selon ses mots, le décor des troubles électoraux et a rendu l’organisme en charge de l’organisation des élections responsable d’une éventuelle intervention de la communauté internationale au Cameroun, en cas de troubles.

Cette dénonciation du travail de Elecam est l’une des toutes premières enregistrées de la part d’un parti politique depuis la convocation du corps électoral. Elle souligne le retard qu’accuse déjà l’organisme dans la distribution des cartes électorales. Pour rappel, cette distribution n’a pas démarrée à ce jour alors que la loi prévoit qu’elle se fasse dans les 25 jours qui précèdent le scrutin. Plus de dix jours ont déjà été perdus pour l’opération. Ce retard, observé sur l’ensemble du territoire, met en lumière une certaine impréparation de la Direction générale de Elecam. On peut craindre une montée de tension progressive entre les partis politiques d’opposition (voire les électeurs tout court) et l’organisme en charge des élections avec l’approche du scrutin, puisque la période des réclamations et des recours pour les électeurs déçus s’en trouve de fait écourtée. Ce qui est de nature à exacerber les accrochages…

Impartialité douteuse

Elecam est-il pour autant responsable des insuffisances déjà observées depuis la convocation du corps électoral ? La réponse est « oui » et « non ». En effet, si les multiples inscriptions des mêmes électeurs sur les listes, le choix des camps militaires (là où ils existent) et probablement d’autres lieux d’accès difficile ou contrôlé pour abriter les bureaux de vote est de la responsabilité exclusive de Elecam, qui trahit clairement son désir de perturber l’organisation sereine et impartiale du scrutin, les retards observés dans l’affichage des listes électorales et dans la distribution (toujours attendue) des cartes électorales peut avoir pour origine le calendrier électoral qui lui est imposé. Une lecture des dispositions légales prévues pour encadrer le processus de révision annuelle des listes électorales le montre clairement.

Dans une année électorale normale, ce processus, pour être mené comme le prévoit la loi, doit s’étale sur l’ensemble des douze mois. Il commence en effet le 1er janvier avec la révision annuelle des listes électorales pour s’achever au plus tôt le 10 décembre avec la transmission du fichier électoral révisé du département au Directeur Général des Elections, par l’intermédiaire du démembrement régional, compte non tenu du temps d’impression des cartes électorales. Dans le détail, selon la loi fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la République, la révision annuelle des listes « s’achève le 31 août de chaque année » (Art.37 nouveau), et les présidents des commissions de révision des listes électorales (au niveau des communes en général) adressent le procès-verbal de leurs travaux aux démembrements départementaux d’Elections Cameroon « au plus tard le 5 septembre » (Art. 40 nouveau al.1).

Etapes ignorées

Selon le même article (alinéa 2), les responsables des démembrements départementaux d’Elecam, après avoir procédé aux contrôles techniques, transmettent à leur tour les listes électorales provisoires correspondantes aux démembrements communaux d’Elecam concernés « pour affichage au plus tard le 20 octobre ». Les partis politiques et les électeurs peuvent alors saisir la commission de révision des listes électorales « des irrégularités ou omissions constatées ». Et, « au plus tard le 10 novembre » (Art. 41 nouveau al.1), ces dernières doivent adresser au démembrement départemental d’Elecam « le procès-verbal des opérations rectificatives opérées le cas échéant sur les listes électorales provisoires ». Et, enfin, le Directeur Général des Elections doit recevoir les fichiers électoraux révisés des départements « au plus tard le 10 décembre ». C’est lui qui dresse et rend publique la liste électorale…

Avec la convocation du corps électoral, le 30 août 2011, c’est-à-dire à un jour de l’expiration de la période consacrée à la révision du fichier électoral, toutes les étapes prévues au-delà de cette période ont été raccourcies et pourquoi pas tout simplement sucrées… Les 20 jours prévus pour les revendications des électeurs ou des partis politiques (du 20 octobre au 10 novembre) n’ont pas pu être disponible. C’est donc les listes provisoires qui sont affichées aujourd’hui, avec toutes les imperfections voulues ou non, en lieu et place des listes définitives. Dès lors, ceux qui ont manœuvré pour que Elecam ne maîtrise pas le calendrier électoral (son avis n’étant pas du tout prévu avant la convocation du corps électoral comme on le voit dans les autres pays) devrait assumer leur part de responsabilité, si le fiasco qui se profile venait à se concrétiser le 9 octobre.

C.B.

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article